

Clément Beaune, ancien ministre et maintenant à la tête du Haut-commissariat à la stratégie et au plan (HCSP), et Sarah Tessé, cheffe de projet ” territoires et société “ au HCSP, ont présenté, le 10 juillet, les conclusions d’une enquête de terrain sur la sobriété foncière et le développement local.
Leur conclusion, en substance, c’est qu'” il est possible de concilier ces deux impératifs, même si c’est souvent compliqué et que les solutions diffèrent selon les territoires. “
Le rapport se base sur des entretiens conduits entre les représentants de six territoires plus ou moins urbanisés ou touristiques* et des experts de l’urbanisme et de la protection de l’environnement. Si la disparition du foncier agricole n’est pas directement interrogée, en revanche le ” Zéro Artificialisation Nette “ (ZAN) à l’horizon 2050, inscrit dans la loi ” climat et résilience “ de 2021, occupe tout l’espace. De fait, ” la bétonisation des terres participe à l’effondrement de la biodiversité, perturbe le cycle de l’eau et obère la capacité à nourrir “, résume Sarah Tessé.
Des villes qui privilégient le bâti existant
Il ne faut pas désespérer, montrent néanmoins certaines initiatives documentées par le rapport. À Ris-Orangis, en banlieue parisienne, près de 200 sondages des sols ont été effectués dans des espaces publics et privés de la commune de manière à évaluer leur qualité agronomique. Les espaces qui conservent la meilleure fertilité auront vocation à être sanctuarisés (arrêt de la densification, jardins pédagogiques, corridors écologiques…) C’est ainsi qu’un projet de Zone d’Aménagement Concerté (ZAC), qui prévoyait au départ 800 logements, n’en comptera finalement que 200. Les autres logements seront construits sur des terrains ” déjà très anthropisés “. D’autres communes comme Pornic (Loire-Atlantique) ou Dreux (Eure-et-Loir) ” ont préféré recentrer leur développement sur le renouvellement urbain et la revalorisation du bâti existant, plutôt que d’artificialiser des espaces agricoles, naturels ou forestiers. Besançon s’est appuyé sur une concertation longue et approfondie avec les habitants pour proposer des logements collectifs aussi attractifs que des maisons individuelles. ” Mais moins consommateurs d’espace.
Le rôle des sols n’est pas reconnu
Quand bien même les élus locaux, la population et les porteurs de projet s’avèrent conscients des enjeux et ouverts au dialogue, la préservation du foncier agricole implique encore de ” reconnaître les aménités rurales et d’inverser le regard “, recommande Sarah Tessé. ” Nous héritons d’un système fiscal et financier local qui n’est pas complètement cohérent avec l’objectif ZAN. Le rôle fondamental des sols n’est pas reconnu en droit français et leurs fonctionnalités sont encore mal connues. Nous héritons d’un système de valeurs qui associe ambition d’un territoire et accroissement de la population et de l’emploi local, mais qui considère peu l’apport des espaces non bâtis au développement local. Ceci peut orienter les choix en matière d’aménagement urbain et inciter à l’artificialisation “, écrit-elle dans son rapport.
Comment faire pour bâtir un système plus vertueux ? Deux pistes principales sont évoquées : affecter une valeur économique (en euros par hectare) aux espaces non artificialisés et intégrer la remise en état initial dans la balance coût/avantage de tout aménagement ; attribuer une dotation aux communes qui préservent de vastes zones non artificialisées, plutôt que de calculer cette dotation selon le nombre de kilomètres de voirie… Si la loi prévoit déjà une possible solidarité territoriale entre la commune rurale, souvent peu argentée, qui entretient les cours d’eau ou protège une zone de captage avec l’agglomération qui bénéficie de ses efforts, le décret d’application n’a ” pas été publié “, note Sarah Tessé.
Actuagri