Avant la manifestation à Paris, interview de Franck Sander président des betteraviers : « Un vrai séisme mais aussi une injustice »

Reims La Marne Agricole Interview de Franck Sander, président de la CGB après l’interdiction de dérogation sur les semences de betterave enrobées de néonicotinoïdes. Une manifestation des betteraviers avec la FNSEA se prépare à Paris
Franck Sander : « Nous avons tous perçu cette décision comme un vrai séisme mais aussi comme une injustice. Si nous pouvons comprendre qu’il faille respecter la loi, les dérogations mises en place par l’État français étaient d’une contrainte telle que techniquement, nous avions pris toutes les garanties nécessaires ». Crédit Richard Cremonini

Interview de Franck Sander, président de la CGB après l’interdiction de dérogation sur les semences de betterave enrobées de néonicotinoïdes. Une manifestation des betteraviers avec la FNSEA se prépare à Paris.

Reims La Marne Agricole Interview de Franck Sander, président de la CGB après l’interdiction de dérogation sur les semences de betterave enrobées de néonicotinoïdes. Une manifestation des betteraviers avec la FNSEA se prépare à Paris
Franck Sander : « Nous avons tous perçu cette décision comme un vrai séisme mais aussi comme une injustice. Si nous pouvons comprendre qu’il faille respecter la loi, les dérogations mises en place par l’État français étaient d’une contrainte telle que techniquement, nous avions pris toutes les garanties nécessaires ». Crédit Richard Cremonini

 

Comment avez-vous perçu, à titre individuel et collectif, la décision de la CJUE sur l’interdiction des dérogations des néonicotinoïdes ?

 

Franck Sander.-  Nous avons tous perçu cette décision comme un vrai séisme mais aussi comme une injustice. Si nous pouvons comprendre qu’il faille respecter la loi, les dérogations mises en place par l’État français étaient d’une contrainte telle que techniquement, nous avions pris toutes les garanties nécessaires. Ainsi, la pulvérisation de néonicotinoïdes a été interdite pour éviter tout contact direct avec les pollinisateurs. L’enrobage était la solution la mieux adaptée pour les insectes piqueurs/suceurs. Les pollinisateurs, dont les abeilles, étaient ainsi préservés même s’ils se posaient sur la feuille. En plus, nous avions établi des itinéraires culturaux très stricts en interdisant la culture du maïs dans l’année qui suivait celle de betteraves. La culture du colza, plante hautement mellifère, l’était aussi pendant trois ans, etc. Avec tous les efforts consentis, et parce que nous avions tout sécurisé pour pouvoir assurer l’avenir de la filière sucrière en France, le sentiment d’injustice et d’incompréhension est immense.

Cette décision était-elle selon vous prévisible ?

F.S.-  Absolument pas. Nous nous attendions d’autant moins à cette décision que les conclusions de l’avocat général nous étaient plutôt favorables. Ce qui ajoute encore plus d’amertume au sein de la profession.

Que faire maintenant ? Quels moyens demandez-vous à l’État français et à l’Union européenne ?

F.S.-  À ce stade, il revient à l’État de nous trouver une solution. Il faut qu’il assume pleinement la décision prise par la CJUE qui va entraîner immanquablement des baisses de surface, une chute de la production et en bout de chaîne, des baisses d’activité dans les sucreries, voire des fermetures et par conséquent, des pertes d’emplois et de compétences. À ce stade, nous estimons que la décision de la CJUE pourrait faire perdre jusqu’à un quart de surface betteravière française. Aujourd’hui, la seule solution qui s’offre au Gouvernement est une solution financière. La CGB demande la compensation intégrale des pertes d’exploitations liées à cette décision. Il faut que l’État nous garantisse un système sans aucune franchise et sans aucun plafonnement. En 2020, les producteurs de betteraves avaient été bloqués par le plafond des minimis. Aujourd’hui, il n’en est pas question. Il faut aussi que le Gouvernement mette tout en œuvre pour préserver la filière betteravière française. Car l’enjeu majeur, c’est de ne pas perdre de surfaces. Les producteurs veulent semer avec des garanties. N’oublions pas que 90 % de production de sucre française appartient à des coopératives qui elles-mêmes appartiennent aux producteurs. À la veille des semis, j’espère que le gouvernement parviendra à prendre les bonnes décisions dans ce temps restreint.

Sera-t-il possible de traiter les plantes contre les pucerons pour éviter la jaunisse ?

F.S.-  S’il existe encore deux traitements chimiques possibles en végétation (le Teppeki® et le Movento®, N.D.L.R.) pour des attaques « basse pression », il n’existe pour 2023 aucune solution pour contrer des attaques comme celles de 2020. Nous attendons surtout du gouvernement qu’il pousse l’Union européenne à accélérer les demandes d’homologations pour des produits très efficaces. Ces homologations étaient initialement prévues pour 2026. L’idéal serait de les obtenir pour 2024. Il faudra aussi vérifier que les dix autres Etats-membres dans une situation identique à la France ne sèmeront pas les semences enrobées de néonicotinoïdes. Ce qui pourrait créer des distorsions de concurrence. Enfin, je regrette avec beaucoup d’amertume que la loi Biodiversité de 2016 nous interdise la pulvérisation d’acétamipride, autorisé en Europe. Seule la France se retrouve dans ce cas. C’est aussi inadmissible qu’impensable.

Où en est actuellement la recherche sur des produits alternatifs aux néonicotinoïdes ?

F.S.-  Les scientifiques de l’INRAE et de l’ITB travaillent différentes pistes d’alternatives telles que des phéromones (qui attirent) et des kairomones (répulsif), des solutions de biocontrôle, le rôle des plantes compagnes comme l’avoine sur laquelle les pucerons iraient plus facilement se poser. Les deux instituts réfléchissent aussi à la mise sur le marché de nouvelles variétés plus tolérantes, avec ou sans NBT, Mais toutes ces solutions doivent être testées grandeur nature et le temps de la recherche n’est pas celui de l’agriculture. Si elles devaient être disponibles vers 2026, l’expérience prouve qu’elles ne seraient pas parfaites. Vous avez appelé à manifester à Paris avec la FNSEA Grand bassin parisien.

Quand aura lieu la manifestation à Paris ?

F.S.-  Nous allons manifester dans les prochains jours à Paris et nous travaillons d’arrache-pied avec la FNSEA Grand bassin parisien à la mettre en place. Toutes les modalités concernant l’organisation ne sont pas encore fixées. Nous sommes en lien avec la préfecture de police de Paris pour qu’elle se passe dans les meilleures conditions possibles. À travers cette manifestation, nous voulons faire passer plusieurs messages : tout d’abord celui de sauver la filière betteravière française et que l’État mette toutes les solutions en œuvre, à commencer par la compensation financière des planteurs à 100 %. Ensuite, la betterave n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Aujourd’hui la profession agricole est attaquée de toutes parts et les interdictions répétées condamnent la production agricole. On ne nous laisse plus la possibilité de faire notre métier correctement. Elles favorisent les importations massives de produits étrangers, n’obéissant pas aux mêmes réglementations, mettant en péril la souveraineté alimentaire de la France. Nos gouvernants ont commis l’erreur de mettre à mal le secteur industriel mais aussi le nucléaire et notre indépendance électrique. Au nom de cette idéologie, veulent-ils faire de même avec notre agriculture ? C’est aussi pour interpeller le gouvernement sur ce sujet que nous manifesterons.

Propos recueillis par Christophe Soulard

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